Fatima Guemiah
Bonne nouvelle, après des mois d’une préparation intense, « Beyrouth », la nouvelle exposition de la Galerie Terrain Vagh au cœur du quartier latin à Paris, nous réjouit par la richesse de ses merveilles.
Prête à être visitée en ce mois de mai 2021, grâce au talent et à l’engagement de dix artistes plasticiens, elle regroupe des œuvres inédites, œuvres créées pour cette exposition. Dans un hommage vibrant à Beyrouth, ville sinistrée et obsédante, ville où la philosophie de la beauté et de la joie de vivre ont rayonné, malgré l’acharnement des hommes dans son destin, des artistes libanais se sont joints à des artistes de plusieurs pays pour nous livrer des œuvres qui parlent d’émotion, de réinvention et de résilience, après l’explosion terrible du port de la capitale, le 4 août 2020.
Rendre hommage à Beyrouth, ville phénix, c’est le désir de départ de cette exposition qui mêle des peintures, des sculptures et des photographies.
« Qu’elle soit courtisane, érudite ou dévote, péninsule des bruits, des couleurs et de l’or, ville marchande et rose, voguant comme une flotte, qui cherche à l’horizon la tendresse d’un port, elle est mille fois morte, mille fois revécue », ce sont les mots d’un poème de Nadia Tuéni, parlant de Beyrouth, qui m’ont inspiré et décidé à réaliser cette exposition face à ce drame », nous raconte Moufida Atig, la directrice de la galerie.
Nous découvrons une exposition lumineuse, qui nous invite dans un monde
insolite, oscillant entre réel et imaginaire, annonciateur de la renaissance de Beyrouth éternelle, avec les compressions de Nayla Maalouf, à la délicatesse du chemin des cèdres de David Daoud, en passant par la sculpture de Sara Abou Mrad, conçue à partir de débris de verres provenant de l’explosion de l’été meurtrier, le cacher-révéler des œuvres d’Hélène Lhote, les visages-esprits des photographies de Claude Mollard, prises à la Résidence des pins à Beyrouth, le sensuel présage du marc du café sur le corps d’une femme-déesse de la photo Astarté dans le regard du photographe Jean Merhi, la ville chaotique décrite par Céline Hayek et les messages d’espoir du Printemps de Marit Fosse, le Liban vert d’Amal Alzahrani et de Beyrouth en fête de Myçal El Khoury.
« Beyrouth », c’est une exposition exceptionnelle qui nous donne à vivre un moment intense comme on ne peut en vivre que par l’Art. A ne pas manquer, absolument. Fatima Guemiah
CATALOGUE DE L’EXPOSITION « BEYROUTH »
Sara ABOU MRAD
Artiste-peintre, Sara Abou Mrad est également sculpteur. La sculpture « Beyrouth l’Instant T » conçue à partir de débris de verre provenant de l’explosion du 4 août 2020, fut remise au président français Emmanuel Macron, le 1er septembre 2020, lors de sa visite à Beyrouth. Cette sculpture symbolise la liberté, le dynamisme de la vie, le détachement, l’indépendance. En 2021, son œuvre « Résilience » a fait partie d’une exposition collective « Dessine-moi un Cèdre » sur le thème du cèdre arbre millénaire, symbole de la pérennité du Liban à la Galerie Modus à Paris. Le Fonds Claude et France Lemand a acquis l’œuvre de Sarah Abou, suite à l’appel lancé aux jeunes artistes du Liban, âgés de 21 à 35 ans, à élaborer une œuvre artistique personnelle, afin d’évoquer la ville de Beyrouth et l’a offerte au Musée de l’IMA à Paris.
Née à Beyrouth en 1988, Sarah vit et travaille entre Paris et Beyrouth.
Amal ALZAHRANI
Sublimer le corps féminin est le thème principal de l’œuvre d’Amal Alzahrani. Dans ses peintures la femme se libère de la représentation jusqu’à l’abstraction dans des courbes féminines puissantes et résistantes dans une complicité devant la beauté de la vie. Dans son tableau « Liban, le vert » hommage à Beyrouth, un corps de femme nourri par la nature est en immersion dans la terre. Il regarde les cieux, et enlace un cèdre naissant et les racines profondes d’un cèdre millénaire, devenu arbre-femme. Amal passe son enfance en France avant de repartir en Arabie où elle est née en 1980, puis elle revient s’installer à Paris et effectue des stages de peinture à l’Ecole nationale des Beaux-arts de Paris. Passionnée par l’art comme médiation thérapeutique, elle est titulaire d’un diplôme universitaire d’art thérapie.
Céline HAYEK
Jeune artiste émergente, Céline Hayek, est remarquée par le public et la critique lors de l’exposition internationale “Artistes du Monde” en 2019 à la Galerie L’Harmattan à Paris, pour ses tableaux intitulées « Scènes de vie urbaine ». Véritable artiste du numérique, dans ses dernières œuvres, « Chaos dans ma ville » et « Effluve urbaine », elle compose et recompose les images recueillies après l’explosion qui a ébranlé toute une ville et un pays, dans les couleurs de la tragédie, en figeant sur la toile « la date du 4 aout 2020 ». Une date sidérée et désarticulée pour devenir matière première de cette œuvre en hommage à Beyrouth. Née en France de parents libanais, Céline vit et travaille à Paris.
Marit FOSSE
Les tableaux de Marit Fosse sont l’interprétation de son imaginaire sur Beyrouth dans lequel s’entremêlent la réalité d’une ville tant aimée et visitée par l’artiste.
Dans son œuvre, « Le printemps » les couleurs rouges et bleues illuminées par un jaune éclatant se libèrent dans la matière. Libres dans l’espace, elles captent notre regard pour l’inviter dans une émotion à conjurer le mauvais sort jeté à Beyrouth par le destin et par les hommes, de Beyrouth ville lumière toujours renaissante. En 2005, elle participe à l’exposition “Send my Friend to School, Envoyez mon ami(e) à l’école”, exposition itinérante collective organisée par l’Unesco pour une tournée internationale d’une durée de quinze ans sur les cinq continents. Artiste peintre native de Norvège, Marit Fosse participe et organise de nombreuses expositions internationales en partage avec les artistes du monde, au Palais des Nations Unies à Genève.
Jean MERHI
Photographe, vidéaste et scénographe, Jean Merhi inscrit ses photographies dans un rapport à une féminité réinventée. Sur les clichés colorés aux couleurs du marc de café, les corps sexualisés deviennent poésie. Le photographe sublime les corps féminins, aux dos inondés de rivières de marc de café. L’œil de l’artiste est emporté par son imagination devant les dessins créés sur les corps dans un sensuel présage. En abstraction esthétique, il nous révèle des secrets dans des photographies d’une grande beauté qui évoquent la femme en Orient. Captif amoureux, notre regard est attiré dans un univers mystérieux. Les questions se bousculent : tableau ou photo ? peinture ou pixel ? Ces nouvelles photos sont dans la continuité d’une œuvre photographique depuis le début de la carrière de Jean Mehri. La photo « Cerf-volant et Toile d’araignée » issue de la série « Marc du Café » fait partie de la collection privée de l’Institut du Monde Arabe depuis mai 2015. De la Maison européenne de la photo à Paris où il est réalisateur et photographe, Jean Mehri expose régulièrement. Il a organisé avec l’UNESCO, une exposition intitulée « Un autre regard sur le Patrimoine Méditerranéen » lors de l’inauguration du nouveau centre-ville de Beyrouth en 1999. Né à Byblos au Liban, Jean Merhi vit et travaille à Paris.
Mycal EL KHOURY
Dans les tableaux de Mycal Elkhoury, à l’huile ou à l’acrylique, les couleurs joyeuses, les formes et les motifs se déclinent en multiples nuances dans un bel univers. Son imagination est sans limite. En finesse et délicatesse, son geste donne vie à des compositions géométriques abstraites ou figuratives singulières, à des personnages en mouvements qui s’entrelacent et se croisent pour enchanter la toile avec gaieté et sérénité. Des visions parfois proches de celles qu’elle observe, sans doute dans son microscope et reconstitue ensuite dans ses tableaux. Car si Myçal est artiste peintre, elle est également médecin biologiste passionnée par le miracle de la vie. Née à Beyrouth, Myçal El Khouri vit et travaille à Paris.
Hélène LHOTE
« Bras de prophètes », l’œuvre présente fut créée pour cette exposition et inspiré du poème “Mon Pays, Mon pays longiligne a des bras de prophète”, de Nadia Tueni. « C’est un bonheur de participer à cet hommage. Beyrouth est une ville dont j’ai le souvenir d’un beau voyage mais trop court voyage. Persistance de l’admiration que je porte au Liban, aux libanais qui m’ont toujours émerveillée par leur culture, leur raffinement, leur résistance et leur courage ».
Artiste pluridisciplinaire, l’œuvre d’Hélène Lhote interpose les objets entre la lumière et le regard, provoquant ainsi chez le spectateur une curiosité naturelle et intense. Elle crée dans un langage propre aux matériaux tels l’émail sur acier, le métal, le miroir, le vitrail, auxquels vient s’adjoindre, au gré de l’œuvre, la lumière. Dans sa recherche artistique, elle développe une pratique qui évolue entre peinture, sculpture et installation. Baignée des souvenirs d’Orient où elle a vécu, le miroir, l’émail et lumière sont les médiums principaux de son œuvre. Les éclats lumineux de ses miroirs découpés ponctuent la cadence de la ville et les rythmes installés. Ils témoignent d’un passage, d’une affection, de la reconnaissance d’un lieu ou d’une présence. Réminiscences de la culture persane qui lui était familière, ces miroirs sont le signe fort d’un monde qui ne s’oublie pas. Hélène Lhote vit et travaille à Paris.
David DAOUD
Les paysages du Liban prennent vie dans les toiles de David Daoud. « Chemin des cèdres », le tableau qu’il présente dans cet hommage fait naître immortalise les cèdres de la montagne parée par la nature généreuse, dans laquelle, il puise son inspiration. Ses compositions font écho à sa cette quête d’amour, terrestre ou divin, que nous partageons avec lui par la grâce de son regard de peintre. Ses thèmes de prédilection sont le rapport au temps dans l’exil, le voyage, l’éloignement, la nostalgie, l’absence et l’éternité. David Daoud a su toucher un public large et internationale. Exposé régulièrement au Liban depuis 2012, son talent très vite reconnu lui vaut de nombreux prix. Il est le lauréat du Prix Frédéric de Carfort de la Fondation de France en 2013. Il reçoit « le Prix de l’Ermitage » de Martine Boulart en septembre 2020, lors d’une cérémonie à l’Institut du monde arabe à Paris, qui intégrera deux de ses œuvres dans la collection permanente de son Musée. Tissant des liens entre musique et peinture, Daoud illustre également, l’album du musicien et compositeur Ibrahim Maalouf. Après des études à l’École nationale supérieure des Beaux-arts, il se forme à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris auprès du sculpteur Charles Auffret, issu lui-même de l’atelier des élèves d’Auguste Rodin. Né au Liban en 1970, David Daoud vit et travaille entre Paris et Beyrouth.
Claude MOLLARD
Après avoir a marqué de son empreinte la vie politique et culturelle française, Claude Mollard consacre tout son temps et toute sa créativité à sa passion, l’art de la photographie, qu’il pratique depuis les années 1970. Poète, il accompagne de poésie ses photographies dans cet hommage, notamment, celui-ci véritable déclaration d’amour « Mon Liban, C’est la douceur d’un tronc d’eucalyptus, C’est la vivacité tourmentée d’un tronc de palmier, C’est la violence d’une tôle de locomotive heurtée par les balles, réchauffée par un rayon de soleil, C’est enfin une cloison qui craquelle sous le poids des ans et persiste à esquisser un sourire » Bien, qu’il réalise de nombreuses photos de nature et d’objets, ce sont les visages qui s’imposèrent rapidement à son regard de photographe, des figures humaines qu’il découvre dans la nature. Depuis 1975, il traque ainsi les « Origènes », visages-esprits captés dans la nature et dans les sites patrimoniaux, qui l’inspirent.
Nayla MAALOUF
Enfant, Nayla Maalouf a eu le bonheur de grandir dans une maison où régnait une ambiance artistique unique et exceptionnelle, faite de visites et de rencontres, autour de soirées, dîners, en présence de prestigieux artistes renommés tel que Mohammad Elrawas, Yvette Achkar, Hissein Madi. Un univers qui a nourri très tôt sa passion et son désir de peindre. Elle participe à une première exposition collective éphémère, “Swallow Me”, faite à partir de restes de nourriture en collaboration avec Green Peace en 1997. Sa recherche de la liberté d’expression par l’art, la pousse à présenter, une installation supplication écologique intitulée New World Order à Beyrouth en 2007. Dès lors, toute son œuvre est réalisée avec la technique du upcycling, Le fil conducteur de son travail est la préservation de l’environnement par l’emploi de matériaux jetables, en vigilance permanente face aux défis environnementaux. Un séjour au Gabon durant plusieurs années lui fait découvrir et apprendre la sculpture sur bois. Elle travaille régulièrement avec des sculpteurs gabonais qui récupèrent le bois rejeté par la mer et le font sécher de façon traditionnelle pour le moderniser, en faisant passer un message fort de préservation de l’environnement et de paix. Née à Beyrouth en 1974, Nayla Maalouf vit et travaille à Paris.